La nécessité d’un prophète
Au milieu du sixième siècle, le monde était complètement dérangé et l’homme était tombé à un tel degré de dépravation qu’aucun réformateur ou prédicateur religieux n’aurait pu espérer renaître la vie dans cette humanité usée jusqu’aux os. Le problème n’était pas de lutter contre quelque hérésie particulière ou de réformer un mode donné de service divin, la question n’était pas non plus de freiner les maux d’une société quelconque ; car il n’a jamais manqué de réformateur ou de prédicateur n’importe où et n’importe quand. Nettoyer les débris polluants d’idolâtrie et de fétichisme ainsi que la superstition et le paganisme s’empilant de génération en génération pendant les derniers siècles sur les vrais enseignements, était en effet une tâche excessivement dure. Faire un nettoyage de ce naufrage et élever ensuite un nouvel édifice sur des fondations de piété et de ferveur était une tâche Herculéenne. Bref la question était comment refaire ou redonner naissance ou ramener à la vie l’homme afin qu’il puisse se sentir différemment de ses prédécesseurs.
«Celui qui était mort, que nous avons ressuscité et à qui nous avons remis une lumière pour se diriger au milieu des hommes, est-il semblable à celui qui est dans les ténèbres d’où il ne sortira pas ».
(S. 6, V. 122)
Pour résoudre le problème de l’homme une fois pour toutes, il était nécessaire de déraciner complètement le paganisme pour qu’aucune de ses traces ne reste dans le cœur de l’homme. Il fallait planter le jeune arbre du monothéisme tellement profondément qu’il serait difficile de concevoir une fondation plus sûre. Cela voulait dire créer un penchant pour chercher le plaisir d’Allah et se rendre humble devant Lui, apporter dans l’existence le désir ardent de servir l’humanité, nourrir la volonté de rester toujours dans le droit chemin et semer les graines de ce courage moral qui restreint tous mauvais désirs et passions. Tout le problème, résidant dans la coque d’une noix, était comment sauver l’humanité (trop désireuse de commettre le suicide), de la misère de ce monde comme du prochain. C’était un effort qui avait au commencement une forme de vie vertueuse, comme celle d’un esprit élu et divin, puis qui conduit au paradis, promis par Dieu, aux justes et à ceux qui craignent Allah.
L’arrivée du Saint Prophète était ainsi la grande bénédiction divine sur l’humanité ; c’est pourquoi elle a été si élégamment habillée dans les mots de l’Écriture Sacrée, le Qour’ân :
«Et souvenez-vous de la faveur d’Allah : Comment vous étiez ennemis et II a mis de l’amour dans vos cœurs, de façon à ce que vous deveniez frères par Sa grâce ; et comment vous étiez au bord d’un abîme de feu et II vous sauva de cela».
(S. 3, V. 103)
Aucune tâche n’était plus délicate et déconcertante et aucune charge plus gigantesque et onéreuse que celle confiée à Muhammad (Paix soit sur lui), l’Apôtre de Dieu, n’avait été imposé à l’homme depuis sa naissance sur la planète. Jamais l’homme n’a accompli une révolution si immense et durable que l’a fait le Dernier Prophète, car il a guidé des millions d’hommes de plusieurs nationalités sur le chemin de la justice, de la vérité et de la vertu en mettant une nouvelle vie dans l’humanité après l’agonie du sixième siècle. Cela a été la plus grande merveille de l’histoire humaine, le plus grand miracle dont le monde ait été témoin. L’illustre poète et littérateur français, Lamartine, apporte son témoignage à l’immense tâche accomplie par le Prophète Muhammad (Paix soit sur Lui), dans un langage d’une élégance et facilité incomparables.
«Jamais un homme ne s’est fixé volontairement ou involontairement un but plus sublime. Ce but était surhumain puisqu’il s’agissait de renverser les superstitions qui se sont interposées entre l’homme et son Créateur, de restaurer l’idée rationnelle et sacrée de la divinité au milieu du chaos des dieux défigurés de l’idolâtrie existant alors. Jamais l’homme n’entreprit une tâche tellement au-dessus du pouvoir humain avec des moyens si faibles, car dans la conception, aussi bien que dans l’exécution d’un tel projet, il n’avait d’instrument que lui-même et pas d’autre aide, à part une poignée d’hommes habitant un coin du désert».
Lamartine, plus loin, continue à énumérer les accomplissements du Grand Prophète : «Et plus que cela, il bougea les autels, les idoles, les idées, les croyances et les esprits. Sur la base d’un livre, dont chaque lettre est devenue une loi, il créa une nationalité spirituelle qui réunissait gens de toute langue et de toute race ensemble. Il nous a laissé comme caractéristique ineffaçable de cette nationalité musulmane, la haine des faux dieux et la passion pour l’Unique Dieu immatériel. Ce patriotisme vengeur contre la profanation du ciel forma la vertu et les disciples de Muhammad ; La conquête d’un tiers de la terre à son enseignement fut un miracle ou plutôt ce n’était pas le miracle d’un homme mais celui d’une raison. L’idée de l’unité de Dieu, proclamée au milieu de l’épuisement des théogonies fabuleuses, a été en elle même un tel miracle que les mots prononcés par les lèvres du Prophète détruisirent tous les anciens temples d’idoles et ont incendié le tiers du monde».
Cette révolution durable et universelle dont l’objectif était la régénération de l’humanité ou la reconstruction d’un monde nouveau, demanda une nouvelle prophétie surpassant l’apostolat de l’ancienne car le nouveau Prophète avait à porter haut la bannière de la guidée (Hidâyat) et de la vérité pour les temps à venir. Allah en a lui-même expliqué la raison :
«Parmi le Peuple de l’Écriture, les incrédules et les idolâtres ne pouvaient changer tant qu’une preuve claire ne leur parvenait pas : C’est-à-dire un Prophète envoyé par Allah qui lit des feuillets purifiés contenant des écritures immuables».
Article publié dans AL ISLAM n°84/85