Quand on regarde la condition des gens à travers le monde sur le plan matériel et financier, une des premières constatations que l'on fait concerne la disparité qui existe entre les individus des différentes classes sociales.On trouve ainsi d'un côté des personnes à qui Allah a accordé des biens en grande quantité, et de l'autre on trouve des gens à qui Allah en a donné beaucoup moins ou encore pas du tout.
Ce constat pourrait laisser penser, à première vue, qu'il y a là une certaine injustice; mais en réalité, vous le savez bien, il n'en est rien. Il n'existe de plus grande justice que celle d'Allah. Cette disparité sur le plan matériel dissimule elle aussi la Sagesse divine, Sagesse qui nous est exposée dans un verset du Qour'aan:"Est-ce eux qui distribuent la Miséricorde de Ton Seigneur ? C'est Nous qui avions réparti entre eux leur subsistance dans la vie présente et qui les avons élevés en grades les uns sur les autres, afin que les uns prennent les autres à leur service. La miséricorde de Ton Seigneur vaut mieux cependant que ce qu'ils amassent." (S.43/ V.32)
Imaginez vous un instant dans un monde où chaque individu serait extrêmement riche, où chacun serait totalement indépendant des autres; dans un tel monde, qui aurait, selon vous, accepté de se mettre au service de l'autre et de travailler pour lui ?
La réponse ne laisse aucun doute: Une telle situation aurait rendu impossible l'établissement d'une société viable. Par contre, avec la situation actuelle (qu'Allah a voulu) et cette disparité, il y a un fort lien de dépendance qui unit les plus riches aux plus démunis: Celui qui a des biens a besoin de celui qui en a moins que lui pour qu'il travaille à son service, tandis que celui qui n'a pas de richesses a besoin de celui qui en a pour qu'il puisse se mettre à son service et ainsi obtenir son salaire. Cet état des choses est donc empreint de la plus grande des sagesses.
Mais il faut aussi reconnaître qu'il y a parmi les gens démunis, de très nombreuses personnes qui ne peuvent tirer profit de ce lien de dépendance entre les riches et les pauvres: soit parce qu'elles ne sont pas en capacité de travailler et donc d'obtenir un salaire, soit parce qu'elles n'ont pu trouver d'emploi, soit parce que le salaire qu'elles obtiennent ne suffit pas pour subvenir à leurs besoins (elles sont, par exemple, endettées, ou elle ont des familles nombreuses etc…), et ainsi ces personnes se voient dépourvues de toute ressource matérielle.
Dans Sa justice extrême et Sa bonté infinie, Allah a ouvert une voie pour permettre à ces gens de faire face à leur conditions précaires et pour leur assurer une vie dans la dignité, à l'abri du besoin le plus élémentaire. Pour eux Allah a institué la Zakâte. ("L'impôt social purificateur", comme le qualifie un célèbre conférencier musulman, M. Târiq RAMADAN.)
La Zakâte apparaît ainsi comme étant un devoir religieux de première importance. C'est en fait un de piliers de l'Islam. Allah a imposé à tous ceux qui possèdent une certaine quantité de biens, d'en prélever le 40ème et de le distribuer obligatoirement aux pauvres et à ceux qui la méritent (ils ont été cités dans le Qour'aan.) Celui qui ne respecte pas cette obligation de l'Islam s'expose aux nombreux avertissement du Qour'aan et des Hadiths (il est dit par exemple que les biens sur lesquels la Zakâte n'a pas été acquittée seront transformés en plaques de fer brûlants le Jour Final, et ces plaques serviront à marquer ceux qui n'ont pas accompli ce devoir. Il est aussi dit que ces biens seront matérialisés sous la forme d'un terrible serpent, qui s'enroulera autour du cou des coupables, les attaquera et les blessera horriblement…)
Mais, à vrai dire, la Zakâte est plus qu'un simple devoir envers Allah; c'est aussi une obligation pour le riche par rapport au pauvre. Pour se faire une idée de l'importance de cette obligation, il suffit de se référer aux très nombreux versets du Qour'aan dans lesquels Allah a lié l'obligation de la Salât à celle de la Zakâte. Les Oulémas écrivent au sujet de ces versets, qu'ils montrent qu'au même titre que la Salât est un devoir envers Allah, de même la Zakâte est un devoir envers les pauvres. Donc, tout comme celui qui ne se sera acquitté de ses devoirs envers Allah devra répondre de ses actes, de même, celui qui délaisse la Zakâte aura à rendre des comptes au sujet de son geste le Jour Final.
Et il y a encore mieux… Vous savez certainement que celui qui fait une bonne action en Islam est toujours celui qui profite en premier de son acte. La Zakâte ne fait pas exception à cette règle. Ainsi, celui qui s'acquitte de cet important pilier de l'Islam est le premier à en retirer des profits. Je vous propose de voir dans les lignes qui vont suivre deux vertus de la Zakâte.
La Zakâte est tout d'abord, comme son nom l'indique, une purification. (C'est le sens littéral du mot arabe "zakâtoun".) La Zakâte purifie ainsi directement l'âme du croyant contre deux maladies spirituelles terribles: l'avarice et l'amour excessif pour les biens matériels. Ces deux maux sont à l'origine de nombreux péchés qui sont commis de par le monde (comme le vol, l'acquisition et la consommation de biens illicites etc…) Ce qui nous permet aussi de comprendre que la Zakâte est aussi une purification (de façon indirecte, il est vrai) pour le corps contre ce genre de péchés. Allah fait allusion à cet aspect de la Zakâte dans un verset du Qour'aan. Il dit: "Prélève de leurs biens une aumône (il s'agit, selon les commentateurs, de la Zakâte) par laquelle tu les purifies et les bénis, et prie pour eux…" (S.9 / V.103)
En sus de ceci, la Zakâte est un moyen d'assainir ses biens. Le Prophète Sallallâhou 'alayhi wa sallam dit dans un hadith en ce sens: "Allah a fait de la Zakâte une purification pour vos biens."
En d'autres mots, cela veut dire que tant que l'argent qui devrait être prélevée à titre de Zakâte reste mélangé au reste des biens, il le souille et le pollue. Ce qui est par ailleurs confirmé par un autre Hadith qui dit : "Ces aumônes, ce sont les impuretés des gens."
La Zakâte est aussi une protection pour les biens Avant d'aller plus loin, je voudrai juste rappeler un point très important. Allah a constitué l'être humain de deux éléments principaux: le corps et l'âme. Mais le corps humain ayant de nombreux besoin, c'est pourquoi Il a pourvu l'homme de biens matériels afin qu'il puisse faire face à une grande partie de ses besoins. Ce qui revient à dire que l'existence et l'épanouissement de l'homme en ce monde repose sur la protection de ces trois éléments fondamentaux :
le corps
l'âme
les biens
Allah a aidé l'homme dans cette responsabilité. Pour la protection de son âme, Allah a montré à l'être humain par l'intermédiaire de Ses Messagers successifs le chemin de la foi et de la spiritualité. Pour la protection du corps, Allah a institué des devoirs comme la Salât (Le Qour'aan le rappelle"En vérité, la Salât préserve de la turpitude et du blâmable.")
Enfin, pour la protection des biens, Allah a institué des devoirs comme la Zakâte. Il est rapporté du dernier des prophètes Mouhammad (sallallâhou 'alayhi wa sallam) a dit "Protégez vos biens par l'intermédiaire de la Zakâte." La protection des biens assurée par l'acquittement de la Zakâte se situe aussi bien sur le plan individuel que sur le plan global.
Sur le plan individuel, la Zakâte est un moyen efficace de mettre ses biens à l'abri de calamités et de désastres qui pourraient les affecter. Du point de vue global, l'acquittement de la Zakâte garantit une certaine stabilité sociale. Ainsi, dans une communauté où ce devoir est respecté, il y a un rapprochement qui s'effectue entre les classes aisées et les classes les plus démunies. Ce qui tend à renforcer la cohésion de la communauté. Par contre, une négligence à ce niveau conduit à des fractures dans une société. Ce genre de fracture entre les classes sociales ne fait qu'accroître l'envie chez les démunis et le mépris chez les plus aisés, avec comme résultat les conflits et les problèmes que nous pouvons constater dans nos sociétés actuelles.
Voilà donc deux vertus de la Zakâte, et ce ne sont pas les moindres. C'est pourquoi, il incombe à chacun d'entre nous sur qui la Zakâte est obligatoire de s'acquitter de ce devoir rapidement, alors que nous pouvons encore le faire. N'oublions pas que viendra un jour (le Jour Final) où nous serons de toute façon séparés de ces biens, et où nous aurons à répondre de l'utilisation que nous en avons fait. Et je peux vous assurer qu'en ce jour terrible, le fait d'avoir un serpent enroulé autour du cou (c'est le sort réservé à celui qui ne s'acquitte pas de la Zakâte) sera vraiment la dernière chose dont nous aurons besoin… Qu'Allah nous permette à tous de comprendre ces quelques lignes. Âmine.
Mawlâna Mouhammad Patel